Les Yeux d' Elsa
Tandis que je parlais le langage des vers
Elle s’est
doucement tendrement endormie
Comme une
maison d’ombre au creux de notre vie
Une lampe
baissée au coeur des myrrhes verts
Sa joue a retrouvé le printemps du repos
Ô corps
sans poids posé dans un songe de toile
Ciel formé de ses yeux à l’heure des étoiles
Un jeune sang l’habite au couvert de sa peau
La voila qui reprend le versant de ses fables
Dieu sait obéissant à quels lointains signaux
Et c’est
toujours le bal la neige les traîneaux
Elle a
rejoint la nuit dans ses bras adorables
Je vois sa
main bouger Sa bouche Et je me dis
Qu’elle
reste pareille aux marches du silence
Qui
m’échappe pourtant de toute son enfance
Dans ce pays secret à mes pas interdit
Je te supplie amour au nom de nous ensemble
De ma suppliciante et folle jalousie
Ne t’en va pas trop loin sur la pente choisie
Je suis auprès de toi comme un saule qui tremble
J’ai peur éperdument du sommeil de tes yeux
Je me ronge le coeur de ce coeur que j’écoute
Amour
arrête-toi dans ton rêve et ta route
Rends-moi ta conscience et mon mal merveilleux
Louis Aragon
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